Homecook

Cette époque voudrait nous faire croire que ses héros, ce sont les Chefs qui éblouissent.

Qu’un plat se gagne ou se perd, comme s’il était sous les projecteurs, une bande de juges étoilés à ses trousses.

Qu’il faut en faire son métier pour être digne d’en être fière.

Que ces recettes-là sont celles qui valent. Que cette manière-là est la seule légitime. Que ce qui se fait dans l’ombre de nos cuisines est petit, si petit qu’il ne mérite pas de nom.

Alors on se fait petits, nous aussi. Tellement petits que nos cuisines nous semblent trop grandes, hors de portée, intimidantes. Et pire encore, hors de vue, hors d’intérêt, hors de nos cœurs.

Poser un plat sur la table et en avoir des sueurs, comme à nouveau à l’école, quand on a pas bien revu sa leçon. Les excuses à la bouche avant même d’avoir goûté. Le sentiment d’être à côté de la plaque, rien oser, l’envie de se cacher dans les plats préparés.

Alors qu’il n’y a rien à réussir ni rien à gagner. Juste le plaisir pris de touiller, de vagabonder, parfois de créer, ou de tester, souvent de couper, mal, et de s’en foutre.

On voudrait nous faire croire que cette cuisine quotidienne est moins bien, insignifiante, un peu honteuse. Qu’on devrait toutes aspirer à mieux. Apprendre LA technique ou abandonner le terrain et se terrer dans les boîtes de ravioli.

On nous fait nous sentir nulles, à forcément échouer devant une cuisine qui est celle des pros et des paillettes, celle des résultats et des gros yeux.

Rien n’y est jamais assez bien. Alors que nous, quoi, on veut juste passer un bon moment. Même pas à table, enfin si, mais d’abord en chemin, en rêvant, en préparant, en lisant, en faisant pas comme c’est marqué, en jouant, en en mettant à côté et en cuisant trop, oups c’est un peu cramé.

Et s’asseoir, plein de ce plaisir-là, d’avoir bourlingué, et d’en avoir tiré un truc comestible, et ça tombe bien, parce qu’on a faim boudiou.

Loin des projecteurs et des leçons d’insuffisance qui donnent juste envie de se nourrir de chips jusqu’à la fin des temps, merde, alors qu’on pourrait juste s’amuser, oui, s’amuser et voir où le chemin nous mène.

Selon toute probabilité, vers des plats moches et aimables, même qu’on va se resservir 3 fois.

T’es homecook, meuf, be proud.

BE LOUD.

8 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Brigitte dit :

    J’adore cet article ❣️J’aime la cuisine de tous les jours , sans prise de tête ni ingrédients introuvables😀et c’est pour ça que j’aime tant votre blog et votre Instagram. Ma famille adore votre crème à la vanille et je ne vous parle même pas de votre mousse au chocolat. Grâce à vous je suis la star des fourneaux. Ne changez rien 👌😘

  2. Sophie Caroline dit :

    Je ne comprends pas que ce blog ne soit pas le number one des blogs culinaires des internets mondiaux. Je bénis donc le jour où par la magie de mon fanatisme ottelenghien je l’ai trouvé. Bien sûr que c’est dans le quotidien que les vraies merveilles se réussissent. Trop fac’ aucune gloire à tirer de réussir des machins intagrammables avec what mille boules de matos et 1 kg de pistoles Valhrona caraïbe. Le homecook c’est de l’amour qui se mange. Tous les jours ! Pas seulement les mois en our les soirs de pleine lune ou de réveillon. Pas seulement par ceux qui adooorent le yuzu et l’estragon ! Depuis que je zone ici (et que j’ai un thermomix) j’ai atteint une sorte de zénith ménager particulièrement agréable. Plus aucune recette ne m’effraie. Je vois, je lis, je ris, je check les courses, je fais et … je KIFFFFE.
    Je te salue donc panpan pour la précision chirurgicale de chacun de tes billets, leur humour décapant, le parfum envoutant de mon désormais grandiose placard à épices, le retour du poulet sur la table des déjeuners du dimanche, notre pain presque quotidien … Be so proud and eternal please !

    1. PanPan dit :

      Vive le zénith ménager !!

  3. Blou dit :

    C’est vrai ça, je l’ai ressenti fortement la semaine dernière après un « tu te débrouilles pas mal en fait » ironique. Et là ça m’a énervée, pourtant ce n’était que des pâtes avec une sauce poivron déjà faite mais j’avais ajouté des épices, des lardons grillés et du chèvre et surtout c’était bon et préparé avec l’énergie qui me restait. Alors oui ce n’est pas un grand plat de chef, ni mon maximum en matière de cuisine, mais ce jour là, ben oui c’était mon max. Et la cuisine de tous les jours ben ce n’est pas toujours facile, il faut varier, penser aux restes, faire dans le bon ordre pour ne pas jeter certains aliments. Alors merci pour ton article, je vais essayer de me souvenir que oui j’ai le droit d’être fière aussi bien de ta soupe minestrone (au passage ça se congèle bien en fait, ça nous a sauvés l’autre soir !), ou de ma sauce semi-maison.
    Et merci pour tes articles, tes recettes et le temps que tu y passes, c’est vraiment précieux 🙂

    1. PanPan dit :

      Alors là, absolument. Et celleux qui prennent ça de haut sont souvent pas celleux qui en ont la charge. On est nous, on a pas besoin d’être des grands chefs, pcq leur place n’est pas à la maison. C’est une autre cuisine. Et shame sur tous celleux qui font de l’ironie sur ce qu’on prépare.

  4. Aurore dit :

    Merci pour cet article 😍😍😍 ça me rappelle cet ami , auto proclamé gastronome , qui m avait « complimenté » après un bon gueuleton préparé avec moult soin:  » Nan mais c’est vrai que toi ton truc, c’est plus la cuisine ménagère  » mandieu la condescendance ! Merci pour tes propos qui recadrent avec justesse notre kif quotidien . Et surtout merci pour toutes ces recettes de ouf!

    1. PanPan dit :

      Mais vive la cuisine ménagère !! C’est celle qui nous nourrit et elle mérite tt autant le respect.

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