Quand on se lance, on peut être avide du moindre détail, du moindre recoin, du déroulé d’une recette.
Après tout, on s’en remet à celleux qui savent.
On peste devant les imprécisions, les omissions. On exige des instructions chirurgicales.
Ou, à l’opposé, on ne suit aucune recette (et on s’en vante), on jette des trucs au hasard et des fois c’est même bon. On est libre, on fait bien ce qu’on veut veut. On a pas besoin de savoir, parce que c’est juste chiant de reproduire une recette figée sur papier.
Mais qui est cette recette prise comme référence (ou pas), en cuisine salée ?
Imaginons qu’on parle ici d’une recette bien testée et qui fonctionne : qu’est-ce qui, pour autant, en fait une bonne recette ?
Il n’y a évidemment pas une seule réponse.
On peut déjà se demander si la précision est aussi essentielle en cuisine salée qu’en pâtisserie. Clairement, non. Il y a une autre latitude à l’expérimentation, une possibilité d’adaptation plus souple en fonction des ingrédients qu’on a sous la main, de ce qu’on aime et du temps dont on dispose.
D’ailleurs mes recettes reflètent cette souplesse en appelant souvent à doser les ingrédients et leur assaisonnement selon le goût de la cuisinière.
Le but étant que ça plaise à celle qui cuisine, pas à celle qui écrit la recette.
Mais je me fais parfois rappeler à l’ordre. Je n’ai pas indiqué le poids du gingembre. Quel est la taille des oignons ? Citron à volonté, oui mais combien ?
C’est dans ces moments-là que je réalise à quel point l’idée même d’une recette peut enfermer, comme une succession d’injonctions à reproduire, à répéter, le sujet y étant perdu, simple instrument au service d’un plan de bataille qui rase tout sur son passage.
Je prends la mesure de toutes ces recettes qui infantilisent, précises ou pas d’ailleurs, parce qu’elles ne t’apprennent rien. Celles qui font en sorte que tu sois accrochée à elles, sans aucun moyen de t’en passer.
Alors que, soyons claires, le but est bien de s’en débarrasser. Si.
La 1ère fois, tu réalises la recette à la lettre, tu jauges. Tu apprends pourquoi ça marche. Ce que tu peux y modifier ou pas. La 2e, tu modifies certains dosages, tu simplifies quand c’est possible, tu compares. C’est plus simple, parce que tu as appris comment ça marche.
Par exemple, tu modifies la marinade, parce que tu aimes ça plus citronné. Tu laisses mariner plus longtemps, parce que ça t’arrange. Et tu rôtis tes cuisses de poulet sur une grille au four comme indiqué, parce que tu as découvert que c’était rapide et très goûteux.
La 3e fois, tu vérifies juste le temps de cuisson du poulet. La marinade ? Tu utilises ce que tu as sous la main, ça ressemble mais c’est différent.
La 4e fois ? Tu trouves une idée de marinade dans un bouquin. Mais la recette utilise un poulet entier, ça t’arrange pas. Hop tu utilises des cuisses et zou tu les cuis sur une grille au four.
Tu as appris quelque chose. Tu peux jeter la forking recette. Tu es maintenant à l’aise pour créer ou adapter une marinade. Tu utilises un nouveau type de cuisson qui te plaît et te facilite la vie.
Une recette ne devrait jamais être un carcan. Et pour ça, my friend, il faut donner de toi et que la recette t’y encourage. Concrètement, ça veut dire : goûter.
Découvrir ce qui TE plaît. L’équilibre qui TE convient entre salé sucré acidulé et amer. La bonne dose d’ail, d’oignons et de gingembre. Le bon choix de noix. De vinaigre. De piment et d’épices. Tout ce qui fait vivre un plat.
La recette salée n’est qu’une référence, jamais LA référence. A toi de t’y mesurer, constamment, pour lui donner du cœur.
Il y a une colonne vertébrale, des outils, une méthode. Mais rien ne se déroule jamais comme prévu. Et encore moins à l’identique des conditions de la recette quand elle a été testée par l’auteur.e.
Par exemple, chez toi, il fait plus chaud/froid/sec/humide. Les ustensiles et les ingrédients ne sont pas à la même température. Ils mettront moins moins/plus de temps à cuire. Les fruits et légumes seront plus/moins mûrs. La viande sera plus/moins épaisse. La cuisson ne sera jamais la même. Et s’il y a marqué « environ 8 minutes », ça veut juste dire « 2, ça sera trop peu et 25 largement trop ».
Une bonne recette te donne les indices pour évaluer quand c’est cuit. Et peut-être même les outils pour t’adapter.
Finalement, une bonne recette, c’est celle qui te met au centre. Celle qui te donne le plaisir et le pouvoir de répéter ce plaisir, peu importe ce que tu decides d’en faire.
Alléluia !!!